L'enveloppeur de corps

L'enveloppeur de corps

de Codrina Pricopoaia et Dominique Fataccioli

avec Roselyne Geslot, Corneliu Draga Dragomirecu, Codrina Pricopoaia, Sylvie Burger au chant, Julien Bréval au piano

Note d'intention / Envoyée de mon iPhone

« Codrina : La journée s’annonce longue mais je pense à ce titre, L’enveloppeur de corps. Nous ne devrions écrire une pièce de théâtre qu’avec de possibles titres et rien d’autre. Dominique : À titre personnel. Codrina : À titre personnel. L’enveloppeur de corps. En grimpant au plaqueminier. Par sms. Dominique : Uniquement par texto. J’étais en train de l’écrire. Codrina : Incroyable ! Dominique : C’est la connexion des grands arbres fruitiers. » Nous avons donc décidé d’écrire une pièce de théâtre en utilisant ce procédé. Au fur et à mesure des échanges, nous avons compris que ce type de communication ne contient plus le corps. Nous avons eu besoin de créer le personnage de l’enveloppeur. Dans le réel il contient toute la force vitale mais il devient dans le virtuel « un embaumeur de corps ». Nous nous sommes intéressés de plus en plus au poids de l’existence virtuelle versus l’existence même, qui ne peut pas se passer de son support, le corps. Quel degré d’existence avons-nous encore dans un monde qui véhicule de plus en plus une vie « en distanciel » ? De quelle manière un individu existe quand son identité numérique est effacée ou encore bloquée par l’Autre ? Une histoire d’amour vécue dans la réalité résistera- t-elle à sa propre version virtuelle ? Une relation d’amour virtuelle a-t-elle plus de réalité qu’une histoire qu’on s’inventerait en la racontant ? Pour l’instant, nous essayons de comprendre. Comprendre. Cette virtualité, ce décharnement toujours plus à l’oeuvre, ce démembrement de nos vies. La crise sanitaire que nous traversons est venue cristalliser cette absence de corps : nous travaillons virtuellement, nous prenons l’apéro virtuellement, nous nous aimons virtuellement. Ce monde. Ce nouveau monde. Et comprendre. Qu’il faut sortir. Ne plus regarder l’écran. Nous devons nous réincarner, retrouver notre chair. Sortir chercher l’enveloppeur. Le retrouver. L’enveloppeur. Que quelqu’un prenne quelqu’un d’autre dans ses bras. D’un être vivant à un autre.

Extrait

« J’ai entendu l’histoire de quelqu’un qui a gardé toutes les lettres d’amour sans les ouvrir. Mais là on est dans le cloud. Nous sommes désormais dans le vaporeux. J’ai bien peur de cette future perte immense de tous les messages d’amour volatilisés. Puisque les nuages sont déjà au ciel. Notre mémoire n’a plus qu’à se disperser dans l’azur. On aura bientôt plus de traces et par la même nos amours. Lui aussi. Mais quand c’est fini on est encore inquiet. Le black-out c’est maintenant. Je suis devenu un fantôme. Fantomatique informatique. Oui, je crois. C’est clair. Et ça n’est pas la vie. Assujettie à une impulsion électronique. Zéro ou un. Tout ou rien et cette succession binaire donne une complexité extrême. Un canal qui donne sur un monde métaphorique du réel. Une logique poésie du chiffre aboutissant à une poésie aride. Parce qu’il n’y a pas de vivant l ’opération est vaine. Si on se retire du réseau on existe encore. Il y a eu un avant. Il y a u r a u n a p rès. »